J’ai le souvenir aussi d’un enfant obstiné. Voire buté. Quand je suis tombé dans la fascination pour la bande dessinée, j’ai voulu bien sûr faire les miennes. Ça n’avait pas l’air trop dur, j’ai regardé un Tintin : soixante-deux pages recto verso, des cases, de la couleur, hop, c’est parti. Et j’allais jusqu’au bout ! Mes camarades à qui j’avais refilé le virus s’arrêtaient eux au bout de deux pages, puis ils allaient faire les cons dans la rue, taper dans le ballon, tirer les nattes des filles. Bref, une occupation saine et virile d’enfant épanoui. Pas moi. Sur un coin de table, borné, tendu vers l’objectif, le front plongé dans un cahier scolaire transformé en album BD, je réalisais mon Grand OEuvre. Et rien ne m’aurait fait lâcher avant le mot « fin », en lettres de feu. Pas même les filles (entre nous, encore moins les filles !).
Evidemment, les situations que j’évoque sont excessives. Notamment la mise en scène de la misère, de la maladie ou du handicap. On m’a souvent reproché une certaine complaisance à rire du malheur.